Roxanne du Lac ( Laetitia Marie)

lundi 23 février 2015

Billet doux




Photo de Anastasia Mastrakouli
Mon bel affranchi,
Ce soir, j'ai décidé d'être ton billet doux.
Délivre-moi de mon enveloppe corporelle et fais-moi frémir sous tes doigts !

Je t'en prie.

Découvre mon pli délicatement ! 
Joli don de moi-même. J'ai de l’érotisme à mettre entre tes mains.  
Un peu farouche, souvent timorée, je m'interdis la lettre muette. Notre passion bouscule les mots de la sagesse.

Comment pourrais-je introduire le sujet ? Simplement. Sans vulgarités. 

Je veux que tu noircisses ma blancheur. Inscris nos envies sur ma feuille encore vierge ! Imprime-moi de ton encre indélébile !
Nos esprits charnels se mêlent. Lettres entrelacées. L'excitation laisse filer l'encre d'un désir pulsionnel.

La large pointe de mon surligneur couvre et met en évidence ma cruelle frustration.

Urgente, recommandée, ouverte, je suis aussi une lettre de noblesse prête à recevoir le talent du va-et-vient de ta plume.
Sous ton supplice, je devine les prémices d'une majuscule suivie d'une minuscule. L'esquisse de mon Cher Amour me propose le délice d'un prologue savoureux. Les lettres se chevauchent dans un parfait accord, je deviens italique et me couche sur le papier.

Ta tentation est débordante, frénétique. 

La page sera-t-elle assez grande ?
Tu es ma littérature et je te dévore. Sous l'effet de ta plume, le plus beau de tes mots s'allonge. Sur un tas de papier, je vais te priser. Entre mes mains, je sens ton mot devenir gros. Tu t'épanches à l'intérieur de tes lettres. Les lignes de ta main insistent sur les rondeurs de mon corps. Dans l'abandon le plus total, une symbiose idyllique, tu te livres et je m'ouvre à toi. Il m'est impossible de rester lettre morte, sans réponse. Je me lie à ton art graphique. Les courbes de mon corps s'arrondissent, je deviens cursive et me prépare à recevoir le bout de la queue. Ne t'inquiète pas mon amour, nous ne sommes pas encore arrivés au bout de la lettre.

J'ai l'art de jouer avec les mots parce que tu as le doigté littéraire. Ton plaisir est de me lire, et voir l'illustration de notre savoir faire. Nul besoin d'un traité pour exprimer notre volonté commune d'une rencontre en toute complicité.

Je te caresse dans tous les sens du terme et d'un point final je te puiserai à terme.
Dans la pièce, sous l'influence de ta plume, se font entendre grincements et couinements. Souffle léger de quelques lettres aspirées, murmures fragiles d'un « A » ou d'un « O », sonorités syllabiques jouissives, mon esprit se détache de toutes réalités.

J'aime les lettres et sans calculs, je veux te poster, te faire voyager en moi. Feuillette-moi, explore-moi et bombarde-moi de tes tendres mots. Tu effleures les contours de mon récit fictif. Tes yeux me fixent lorsque, inspiré, tu y insères ton plus beau vers. Tu m'étales sur ton bureau, sous le poids de ta plume, je frémis encore et toujours plus. Au rythme de tes écrits, la lueur d'une bougie s'agite. Je suis recouverte de ton ombre divine. Tu me tournes et me retournes à l'endroit, à l'envers, de face pour conclure dans un recto verso fantasque. "Sens" dessus dessous, j'expérimente tes fantaisies dans la langue de Molière, mon Gentilhomme Bourgeois. Ta folie me fait perdre mon latin. Susurre-moi encore ces mots d'hier. Emporte-moi dans ton univers. Voyageons jusqu'au firmament de notre excitation, quitte à en finir timbrés pour l'éternité.

Il ne faudrait pas prendre ces mots au pieds de la lettre, mais regarde dans le lexique de mes envies comme je m'envole. Je deviens feuille volante, libre sous ton emprise.

Imagine que tu sois lettre et que je sois boîte. Avant de partir, entre lentement une dernière fois. Les mots sont faibles, non connus mais la fente se fait accueillante, et d'un glissement, tu te sens prêt à faire une petite virée. Petite lettre, de grâce, invite-moi dans ton paradis, expédie-moi comme un aérogramme. La tentation de découvrir l'obscurité de mon tunnel est grande. Je t'accueille, viens...
J'aime te sentir m'introduire en un mot ! Ce moment est si profond que je jouis sous ce vocabulaire riche et pur que je devine à travers ton enveloppe. Suis-je boîte ou lettre ? Je suis perdue dans l'euphorie de nos ébats, mais je garde en mémoire l'adresse de celui à qui je me destine. Un dernier plongeon dans un bain de littérature. Lettre, encre, boîte fusionnent. Nous sommes deux âmes indissociables, nous virevoltons l'un dans l'autre, unis jusqu'à ne faire qu'un. Seul résonne le dernier cri orgasmique. Dans l'obscurité, je suis maculée de ton encre. Tu as déchargé tous tes mots pour rendre la page blanche et découvrir de nouvelles sensations. Pourquoi ne pas passer à la grammaire ? J'ai quelques règles à te proposer. Serais-tu prêt à relever ce défi ?

(LM)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire